Top Friends




You? More?

Tag

Credits


Secret Garden

..:Chapitre 1, destins croisés:..

Des éclats de rire retentirent. Une voix claire, cristalline, ceux d'une petite fille. Une petite fille déguisée en fée, vêtue d'une longue robe rose, d'un voile qui traîne par terre, et, à la main, une baguette surmontée d'une étoile parée de strass... Le soleil de ce mois de mai était faible mais parvenait, néanmoins, à réchauffer l'enfant et sa mère qui courraient et riaient ensemble. Un peu plus loin, un lac reflétait la lumière solaire, illuminant le visage de la jeune fille qui avait entreprit une chasse au papillon improvisée surveillée de loin par sa mère. Alors qu'un superbe spécimen venait de se poser non loin de l'enfant. Un cri déchira le calme imposé par la nature. La jeune princesse se retourna vers la source de cette perturbation. Sa mère portait les mains à son visage, ensanglanté. Elle regarda son enfant un instant, son regard se perdit dans le vague, chancela un instant et tomba au sol. L'enfant se précipita en criant et appelant sa mère. Une sonnerie au loin se fit entendre, la jeune fille courrait toujours. La sonnerie se fit plus stridente encore.
Dans un sursaut, elle se réveilla. Un rêve. Un cauchemar. Ce n'était qu'une illusion. Une de plus. Elle se retourna, grogna et éteignit son réveil en le jetant par terre. Elle se retourna, espérant se rendormir. C'était sans compter sur David qui, déjà levé, gratouillait ses premiers accords de la journée.

*Tant pis, j'ai compris, je me lève*.

Elle jeta un coup d'oeil au ciel, les premières lueurs de l'aube se dessinaient... Elle tenta de se souvenir pourquoi elle avait mit son réveil la veille avant de se rappeler que les vacances de février étaient terminées et qu'il faudrait bientôt se fondre dans la masse d'étudiants en quête du savoir absolu.
Lentement, elle se dirigea vers sa salle de bain. Elle prit sa douche, puis se vêtit des premiers vêtements qu'elle trouva. En se retournant, elle aperçu son reflet dans son miroir, son rêve lui revint à l'esprit. Trop souvent elle revoyait sa mère. Uniquement dans des songes. En effet, elle n'était qu'une enfant lorsque ce camion se retourna sur la chaussée. Elle l'avait vu, mais trop tard. Karolyn ne se souvenait plus des détails, elle avait oublié. Même si c'était enfouit très loin au fond de sa mémoire, elle n'essayait plus depuis longtemps de se souvenir.
Elle descendit dans la cuisine, prépara un vague petit-déjeuner en tentant de ne pas faire brûler les toasts. Elle s'y employait si bien qu'elle n'entendit pas la porte d'entrée s'ouvrir.

- Ohayô gozaimasu Karochan!!!

Karolyn sursauta et se retourna vivement, même si elle savait déjà qui venait de débarquer dans sa cuisine si tôt.Kiyoshi la regardait, planté au milieu de sa cuisine, un sourire figé sur le visage, un lueur dans les yeux.

- Kiyoshi! Mais... Eh! mais quand es-tu rentré?
- Avant-hier soir... Je peux?
dit-il en désignant un toast à moitié brûlé. Sans attendre la réponse, il s'en empara et l'engloutit.

Karolyn s'assit et regarda faire son ami.

- Un jour tu mangeras chez toi, hein?
- Oh! ça va... Et puis... avoue que tu adores me voir dès le matin... Après tout, fallait pas me donner ta clé
, ajouta t-il avec un grand sourire
- On peut rien te cacher Kiyoshi... Tu commences à quelle heure?
- 9h, je crois... Oui, c'est ça, 9h. Et toi?
- 9h... D'ailleurs, on va être en retard...
- Hai!

Elle fit un pas vers la sortie, puis se figea voyant que son amie ne le suivait pas.

- Karochan?
- Mmm? Oh pardon, je pensais à ... Non rien, allons-y!

Vaguement son esprit tenta d'émerger du brouillard artificiel dans lequel il l'avait enfermé la veille au soir. Un moyen comme un autre de contrôler ses rêves. Ou plutôt, de perdre totalement pied. Il aime tellement ça, ne plus rien ressentir, se vider totalement la tête. Flotter dans un espèce de coton opaque. Et quelque fois, il parvenait à entendre le bruit des vagues. Ce son qu'il trouvait tellement apaisant. Le sac et le ressac qui animaient cette vaste étendue d'eau avaient le don de le bercer. De lui faire oublier tout ses cauchemars, toute sa vie, tout ses sentiments. Mais tout ceci n'est qu'un rêve. Un de plus. C'est pourquoi, à chaque occasion qui se présentait, il replongeait dans cet Eden artificiel. Peu importe les conséquences. Certains parlent d'une issue fatale, pour lui, il voyait là qu'un simple moyen d'évasion, et, quitte à mourir, autant le faire au bord de son océan privé. Dans son jardin secret. Il ne comprenait pas le monde dans lequel il évoluait. Les gens étaient trop matérialistes, ils se souciaient tous de quelques choses tellement insaisissables. Leur vie était rythmée par des idées qu'on leur inculquait dès leur plus jeune âge: avenir, futur, métier, argent, famille... La famille... Sans doute l'idée qu'il comprenait le moins. Comment peut-on aimer et faire confiance à des gens qui sont tellement différents? Ils parlent du sang. Mais lui ne voit aucun lien. Rien ne l'unit, lui, à sa mère ou à son frère.
Lentement, il reprit possession de son esprit ce qui le ramena dans son triste quotidien. La banalité et la routine l'insupportaient au plus haut point. Comme chaque jour, il allait devoir faire semblant que tout allait bien devant sa mère qui le regarderai avec un mélange de peine et de résignation dans les yeux, et comme chaque jour il allait devoir se rendre à la fac où il sera confronté à une foule de personnes qui le déteste au plus haut point car jugé non conforme à leurs "règles", et comme chaque jour il retournera chez lui, s'enfermera dans sa chambre et retournera dans le seul lieu où il se sentait bien.

Il soupira, et se dirigea vers la salle de bain. L'eau glacé de la douche lui remit définitivement les idées en place. Quand il fut près, il descendit dans la cuisine, pensant qu'à cette heure-ci, il n'aurait pas à croiser sa mère.
Effectivement, il ne la vit pas. Mais quelqu'un d'autre était là. Quelqu'un qu'il aurait pas voulu voir, pas aujourd'hui en tout cas.

- Michael, j'ai deux mots à te dire!
- Pas maintenant Kevin, je vais être en retard
, dit-il en soupirant
- Depuis quand te soucies-tu d'être à l'heure ou non à tes cours? Écoute Michael, tu sais que je déteste que... en tentant de se contenir
- Ouais, fais de l'économie de salive, j'en ai rien à foutre que... dit-il en haussant de plus en plus le ton
- Michael! cria t-il
- Quoi? Tu te prends pour qui là? Ah! Je fais tâche dans la "famille", Ouais, et alors? Qu'est ce que ça peut te foutre? Vis ta vie, et fous moi la paix!

Michael fit volte-face et claqua la porte de la maison, mettant un terme à l'entrevue. Il marcha en grandes enjambées jusqu'au terrain vague voisin. Il le traversa, ne se retournant même pas lorsqu'il percuta une jeune fille de plein fouet, celle-ci manquant de tomber. Il ne fit pas non plus attention au couple qui riait aux éclats non loin de lui. Il se dirigea vers un bosquet. Là, un homme attendait, assis au pied d'un arbre.

- Il m'en faut un.
- Je viens d'être livré, t'as de la chance. Tiens, c'est de la nouvelle, importée directement de Colombie. Tu m'en diras des nouvelles...
dit l'homme en esquissant un rictus tout en tendant à Michael un sachet remplis d'herbe.
- Combien?
- Je te le fais à 150
- Je les ai pas sur moi
- Pas de crédit mon pote... T'as combien?

Michael fouilla ses poches, il en retira un billet de 50€

- A ce prix là mon gars, j'ai ça... dit l'homme en lui tendant un sachet plus petit
- Y'a combien?
- 5g
- OK, je prends.

Il le saisit, régla et partit aussi vite qu'il était arrivé.

- Au revoir.
- A demain
- Oui, c'est ça, à demain
, dit-elle plus bas.

En soupirant, elle se dirigea lentement vers son appartement en passant par les petites rues. Plus intimes que les grandes artères de la ville. Elle aimait voir la cité se réveiller, certains, pressés, courent en regardant leur montre à la recherche d'un taxi de libre, d'autres profitent de leur temps libre et vont chercher des croissants dans la boulangerie du coin. Elle frissonna et resserra un peu plus son manteau sur elle. Quant à elle... Elle venait de terminer son boulot de serveuse dans un fast-food qui avait la "bonne" idée d'être ouvert 24/24h. Et à l'heure où les gens travaillant de nuit allaient se coucher, elle, elle irait à la fac. Bien heureusement pour sa santé (si bien mentale que physique) il était rare qu'elle travaille de nuit. Mais elle devait pas rechigner, elle n'en avait pas le droit. Christian lui avait dit clairement qu'il ne pouvait plus l'aider financièrement, qu'elle devait se débrouiller toute seule désormais. Elle soupira à nouveau et tourna dans la petite rue qui menait à une cour, entourée de 3 grands immeubles. Elle logeait au denier étage, sans ascenseur, bien entendu. Ses jambes et ses pieds la faisaient atrocement souffrir. Plus jamais elle ne mettra de talons hauts pour bosser. Rester debout toute la nuit, enchaîner avec la journée d'étude. Voila le programme de sa vie.
A peine rentrée chez elle, elle se précipita sous la douche. Sa vie était vraiment pathétique. Elle se recroquevilla sur elle-même et s'assit dans le bac, laissant l'eau ruisseler sur son corps et les larmes sur ses joues. Pendant un instant, elle laissa son esprit vagabonder, imaginer ce que sa vie aurait pu être, imaginer la vie d'une adolescente normale.

Elle sortit de la douche et se perdit dans son reflet sur son miroir. Ce qu'elle voyait? Une ombre. Elle n'était plus un être humain depuis longtemps, ses cernes, ses joues creuses, ce teint blafard... Elle se rapprochait plus d'une non morte, comme elle se plaisait à les appeler, que d'un être vivant. Son regard se porta sur les cicatrices qui ornaient son corps, ses bras... Elle n'avait trouvé que ce moyen pour se rappeler qu'elle était vivante. Machinalement, sa main chercha cet objet si précieux, qui la rattachait à son existence, dans son tiroir. Mais elle se referma sur du vide. Christian. Il le lui avait prit. Elle le referma avec fracas, étouffant un cri de rage.
Dans sa chambre, une horloge tinta légèrement. 8h00. Elle savait qu'elle aurait déjà dû partir depuis au moins 1/4 heure, mais elle ne pu si résoudre immédiatement. Elle tenta de se concentrer, de ne pas se laisser submerger par la fatigue. Fac. Elle devait y aller. Elle respira un grand coup, saisit le fond de teint dans sa trousse à maquillage et s'en recouvrit le visage en essayant de dissimuler un minimum ces grandes traces violettes sous ses yeux qui trahissaient sa double vie. Elle s'habilla rapidement, saisit son manteau, son bonnet et son écharpe avant de repartir.

8h30, elle n'y arriverait jamais à temps. L'envie de faire demi-tour et de se lover au fond de son lit lui traversa l'esprit, mais Christian serait rapidement au courant de cet écart. Elle soupira et accéléra le pas à nouveau. Elle prit le raccourci qui passait par le terrain vague non loin de la fac. Elle aimait bien ce lieu, certes c'était le terrain de jeu des dealers, mais il avait pour lui d'être calme. Ici, personne ne jugeait, personne ne critiquait. La plupart des gens qui venaient ici étaient soit à la recherche d'une dose au bord d'une crise de manque, soit c'était, pour une raison ou pour une autre, des marginaux qui c'étaient écartés de la sociétés. Un peu comme elle.
Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas le jeune homme qui la percuta de plein fouet. Elle se rétablit, s'excusa à moitié, mais elle eut vite l'envie de l'arroser des différents noms d'oiseaux qu'elle connaissait lorsqu'elle s'aperçu qu'il ne s'était même pas retourné pour s'excuser. Elle se renfrogna, enfonça un peu plus son bonnet sur ses oreilles et rumina des insultes dans sa tête. Une sonnerie stridente se fit entendre. Elle fouilla son sac à la recherche de l'appareil mobile qui troublait sa "méditation", appareil qu'elle trouva quelques secondes plus tard. En voyant le nom s'afficher sur l'écran, elle soupira.

*Qui ça pouvait être d'autre?* ironisa t-elle intérieurement
- Ouais?
- Bonjour Maelis
, répondit une voix d'homme
- 'lut Chris'
- Je voulais juste savoir comment ça c'était passé cette nuit
- Pas mal. Des vieux cons sont venus, comme d'habitude. Je me suis faite déshabillée du regard. Comme d'habitude...

L'homme rit à l'autre bout du fil

- Eh! Je voudrais bien t'y voir toi!
- Tu connais les enjeux... Écoute, fais de ton mieux. Et si t'as le moindre problème..
- Ouais ouais, je sais, tu es là
dit-elle en soupirant. Je vais être en retard là, j'ai pas trop le temps.
- Je passerai te voir ce soir
- Non, pas ce soir. Je vais rentrer tôt et dormir.
- Très bien, je te rappellerai alors
- Ok, ciao

Et elle raccrocha sans plus de cérémonie. Étouffant un juron quand elle s'aperçu qu'elle était, effectivement, en retard, elle accéléra à nouveau le pas.

Karolyn et Kiyoshi s'étaient arrêtés un instant dans une brasserie pour prendre un café digne de ce nom. Profitant de cet instant de tranquillité pour parler de tout et de rien. A plusieurs reprises le jeune homme s'était aperçu que la jeune fille n'était pas dans son état normal. Certes, elle a toujours l'air rêveur, elle aimait se complaire dans une sorte de jardin secret qui, malgré leur amitié, restait désespérément fermé au jeune japonais. Mais ce matin, c'était davantage de la mélancolie. Elle se forçait à sourire, cela se voyait.

- Karochan, tu es sure d'aller bien? s'enquit-il à nouveau
- Bien sur! Comme d'habitude. C'est... ajouta t-elle devant l'air incrédule de Kiyoshi, c'est... la rentrée, voila c'est la rentrée! D'ailleurs, on devrait y aller ...

Joignant le geste à la parole, elle ramassa ses affaires, laissa le pourboire sur la table et sortit de l'établissement, bientôt rejointe par son ami.

- Désolée, mais... on va vraiment être en retard là, il est 8h45... Le temps de descendre toute l'avenue...
- Ce sera plus court par le parc
- Le...? Oh non! J'aime pas ce coin...
- Je te protégerai des méchants, t'en fais pas
, dit-il avec un sourire espiègle

La jeune fille sourit et son ami reprit la conversation là où ils l'avaient arrêtée précédemment. Karolyn saisit le bras de Kiyoshi pendant que celui-ci lui racontait son récent séjour au Japon.

- Et comment va ta famille? demanda t-elle
- Ayako est partie suivre un stage à Tokyo, j'ai pas pu la voir. Mais Hitoshi m'inquiète un peu..
- Ah?
- Il... Il m'a dit qu'il voulait venir en France
- Et alors? Tu avais son âge quand tu es venu ici toi aussi...
- Oui, mais... Je le vois encore comme un gamin immature et puéril.
- Kiyoshi, il a 20 ans... Il peut se débrouiller tu sais...
- Je le sais bien, mais, il est quand même un aimant à ennuis, et j'ai peur qu'il provoque une catastrophe...
- Oh! tu exagères, je suis sure qu'il est pas si terrible
- Attend, on parle bien d'Hitoshi, là? Le seul au Japon qui est capable de s'adresser aux yakuzas pour leur demander son chemin le tout avec un grand sourire innocent.

Devant l'air dépité de son ami, la jeune fille rit aux éclats. Son attention fut soudainement détournée par un jeune homme qui traversait le parc à grande enjambées. Elle était persuadée de l'avoir déjà vu quelque part. Sans doute à la fac. Pourtant, non, c'était ailleurs. Elle le suivit du regard un instant, mais le perdit quand il s'enfonça parmi les rares bosquets qui peuplaient le terrain. Elle fut curieuse de savoir où est ce qu'il allait, avant de se rappeler que son cours de linguistique allait débuter dans quelques minutes. Elle se mit à courir, entraînant Hitoshi derrière elle.

->Retour<-