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Bring me the Eternal Life
Le soleil était déjà haut dans le ciel et la chaleur accablait les habitants de la petite ville de qu’une brise venait caresser légèrement, leur donnant la sensation, aussi soudaine qu’éphémère, de rafraîchissement qui disparaissait aussitôt pour laisser la place à l’écrasante présence de l’astre du jour.
Un vieil homme d’église luttait et pestait intérieurement contre son corps que les années n’avaient pas épargné et contre le gouverneur qui avait eu la « bonne » idée de faire des escaliers une coutume locale. Avec peines, il parvint au sommet de l’immense structure architecturale qui était son dispensaire où l’y attendaient une demie douzaine d’enfants âgés de 13 ou 14 ans en moyenne. Dès son arrivée, ces derniers se levèrent respectueusement et saluèrent d’une même voix le père Maury, membre émérite de la confrérie de Jésus. Son rôle lui avait été confié par Monseigneur Walter, évêque de la paroisse de Birmingham en Angleterre : éduqué et ouvrir à la religion les jeunes esprits américains : ces nouveaux colons qui faisaient fortune dans les îles Antillaises. L’homme parcourut la salle poussiéreuse et obscure que seule une large fenêtre parvenait à éclairer. Les araignées en avaient fait depuis longtemps leur territoire et elles ne toléraient guère les invasions rituelles des êtres humains. Il soupira, dégoulinant de sueur qu’il avait renoncé à essuyer et se mut vers la plus grande des tables située à l’extrémité de la salle. Il s’assit derrière celle-ci sur un tabouret bancal et regarda à nouveau ses jeunes élèves attentivement avant que son œil fût attiré vers une petite table particulièrement poussiéreuse et inoccupée. Il soupira à nouveau et éleva la voix : - Quelqu’un peut-il me dire où est encore passé le jeune monsieur Turner ?
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Les vagues venaient se fracasser sur la coque qu’un navire qui entrait au port, le faisant glisser sur un épais nuage d’écume. Un homme cria et aussitôt, le pilote entama une manœuvre d’atterrissage que sa dextérité lui permit de réussir sans accroc. La lourde encre fut jetée à la mer, éclaboussant au passage un jeune homme assis sur le ponton, regardant fixement l’horizon en murmurant une chanson que la brise marine se dépêchait d’emmener au loin. La masse de ses longs cheveux bruns, bien que rassemblée en catogan, flottait légèrement tandis que les plus petites mèches fouettaient doucement son visage juvénile parsemé de tâches de rousseur. Ses grands yeux bruns ne cessaient de contempler les navires qui croisaient au loin, le vent s’engouffrant dans leurs complexes structures de voilure. Il s’imaginait à leur bord, sur le pont, l’épée à la main, hurlant des ordres à son équipage. Il sourit légèrement à cette pensée et laissa son imagination fertile parcourir les océans au rythme de la houle. En quête d’aventure, de trésors, de mystères mais surtout … de son père. Un père absent qu’il n’avait vu qu’une seule fois dans sa courte existence. Du haut de ses treize ans, il était fier de cet être qui lui avait donné la vie, un capitaine pirate maudit. Mais un autre sentiment l’envahissait lorsqu’il pensait à lui : quelque chose qui ressemblait à de l’amertume, voire de la rancœur. Il admirait son père, mais le détestait également. C’est avec cette sensation bipolaire qu’il avait grandit ces quatre dernières années. Quatre ans à penser qu’il ne pourrait voir son père que cinq ou six fois dans sa vie. Quatre ans à penser que son père était mort, tout en étant vivant. Comment un jeune homme pouvait-il vivre avec ces questions en tête qui ne cessaient de le hanter ? Il mourrait d’envie de rejoindre cet homme, de lui poser des questions. Plus que de l’affection, il recherchait des réponses que seul William Turner, capitaine du Hollandais Volant, pouvait lui fournir. Sa passion pour la mer ne faisait qu’accroître cette volonté profonde de vivre au sein de la communauté des marins. La mer était la seule à pouvoir lui garantir la liberté, l’aventure, la sensation de vivre que grâce à ses propres efforts, la sensation d’exister. La où d’autres voyaient un navire, lui voyait l’unique moyen de s’évader. Il ferait de la mer son amante, il l’avait décidé et rien ni personne ne pourrait l’en empêcher. Pas même la femme qui l’observait de loin depuis plus d’une dizaine de minutes.
- James William Turner ! cria t-elle depuis le quai à l’adresse de l’enfant.
L’enfant se leva lentement, exaspérant un peu plus sa mère qui, soudainement, le prit par le bras et le tira jusque sur le quai. Il se laissa faire, presque habitué aux colères d’Elisabeth. Depuis qu’il avait vu pour la première fois son père, il y a quatre ans de cela, sa mère avait cessé de rire ou de sourire, elle était devenue protectrice, trop peut être, envers son fils. Il n’a jamais pu savoir à quoi était dû se changement brusque dans le caractère de sa mère. Il supposait que son père en était la cause, mais il n’en avait aucune certitude. Il avait surpris, il y a peu, sa mère en train de pleurer en regardant le soleil se coucher, mais il n’avait fait comme si de rien n’était, comme si l’absence ne blessait personne.
a href="http://sleptsolong.free.fr/rose_of_pain/index.php?page=fanfictions/bmtel_02">Chapitre 2
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